Présentation philosophique
L’Expédition artistique se présente comme l’occasion unique d’expérimenter, dans et par l’acte, une philosophie qui n’a pu s’exprimer jusque-là que par l’écriture. Il s’agit, dès lors, d’éprouver la création et la pensée de manière simultanée et in situ, de s’arracher, au sens propre comme au sens figuré, à toutes nos habitudes et conforts de vie et de pensée, et d’accepter, le temps de l’expédition, de jouer le jeu de l’expérimentation, du tâtonnement.
Ne faut-il pas desserrer un temps son étreinte d’avec nos propres coutumes et réflexes de vie pour pouvoir embrasser pleinement une autre vision du monde ?
Aussi, une des hypothèses de ce travail philosophique consiste à se demander comment l’immersion dans un monde dit plus « sauvage », plus exempt des marques de nos cultures contemporaines occidentales, peut nous offrir une vision différente du monde.
Cette ouverture autre, par la cosmovision, pouvons-nous y avoir accès ?
Consiste-t-elle à permettre une autre vision des choses, et donc une autre connaissance du monde, ou est-elle un autre moyen, une autre porte vers une compréhension universelle des choses qui nous entourent ?
Notre travail sera donc un travail d’humilité par rapport à nos habitudes de pensée. Il passera par la remise en question de l’assurance de nos savoirs et connaissances acquis par l’intelligence. Loin de dévaloriser cette dernière, notre démarche consistera à hisser à ses côtés l’intuition créatrice et imaginative pour lui redonner ses lettres de noblesse dans le domaine épistémologique. Car connaissance et fiction semblent bien travailler de concert lorsque l’homme cherche à comprendre le monde qui l’entoure. Aussi, telle est ici la démarche de notre projet : assumer la nécessité d’une expédition, qui pose dès les fondements mêmes de sa démarche, la création et l’imaginaire, en tant que moyens d’échanges et de communication immédiats et universels.
Le défi d’un tel projet réside notamment dans le fait de parler de quelque chose qui s’expérimente, qui appartient au domaine de l’agir. Aussi, traduire ces expériences et réflexions par l’écriture pourrait apparaître comme une certaine forme de trahison par rapport aux thèses fondamentales et mises en application. Aussi, la difficulté du travail philosophique ici est de chercher, au même titre que les artistes, une nouvelle forme d’expression philosophique qui pourrait s’émanciper de l’écriture. Enfin, la performance d’un projet tel que celui-ci réside également dans son ambition première : tracer des chemins de création et de réflexion là où celles-ci ne sont pas attendues ni dans le temps ni dans l’espace. Lointaines semblent être les grandes heures des expéditions. Tout comme curieux apparait le projet artistique qui décide de se réaliser dans des conditions difficiles d’accès et coupé du confort habituel contemporain. Aussi, la difficulté est donc ici d’assumer une intuition et de la suivre. L’enjeu est de faire vivre ce projet qui, par sa force même, c’est-à-dire, par son originalité, nécessite la convergence vers un même élan de toutes les énergies et les intuitions des acteurs qui l’incarnent.